La centrale nucléaire de Gravelines est une centrale nucléaire se situant dans la commune de Gravelines (Nord) à environ 20 km à l'ouest de Dunkerque, 25 km à l'est de Calais et 85 km au nord-ouest de Lille, principale ville de la conurbation transfrontalière Lille-Roubaix-Tourcoing-Mouscron qui constitue l'une des zones urbaines les plus peuplées de France et de Belgique (un million d'habitants).
Pays | ![]() |
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Région |
Hauts-de-France |
Département |
Nord |
Commune | |
Coordonnées |
51° 00′ 52″ N, 2° 08′ 06″ E |
Opérateur |
Électricité de France |
Construction |
1974 |
Mise en service | |
Statut |
en fonction |
Direction |
Emmanuel Villard (succède à François Goulain) |
Fournisseurs |
Framatome, General Electric France (Alstom jusqu'en 2014) |
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Type |
REP |
Réacteurs actifs |
6 × 910 MW |
Puissance nominale |
5 460 MW |
Production annuelle | |
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Facteur de charge |
67,5 % (en 2019) |
Production moyenne |
33,55 TWh (2015 à 2019) |
Production totale |
1 321,25 TWh (fin 2019) |
Source froide |
Mer du Nord |
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Site web |
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La superficie du site nucléaire est de 150 hectares. Les six réacteurs à eau pressurisée de la centrale sont refroidis par l'eau de la mer du Nord. Avec un total de 5 460 MWe net de puissance installée, elle fait partie, en 2022, des dix premières centrales nucléaires de production d’électricité au niveau mondial. C'est la plus importante centrale nucléaire de France et d'Europe de l'Ouest.
Après la Seconde Guerre mondiale, l'agglomération dunkerquoise est détruite à 70 %, le port à 100 %, les habitants habitent dans des « chalets » préfabriqués et le village de Grande-Synthe, anéanti. Les Anglais ont bombardé en 1944 l'ex-centrale électrique au charbon de l'usine Lesieur qui servait entièrement à la consommation des particuliers depuis quelques mois, pour pallier les coupures de courant. Théodore Leveau et Jean Niermans lancent la reconstruction. En 1957, le port est reconstruit en ZIP (zone industrialoportuaire), avec de grands travaux pour le creusement de bassins à flot, comme dans celui de Rotterdam. Dès 1959, il accueille l'usine Usinor, ouverte en 1962, l'agglomération passe de 70 000 à 200 000 habitants en cinq ans.
S'installent aussi la raffinerie BP, une centrale électrique de 500 MW qui va utiliser le gaz des hauts fourneaux d'Usinor, mais dont l'entrée en service n'est finalement prévue qu'en 1962[7], Air Liquide, Vallourec, la Compagnie Métallurgique de Provence[8], avec des synergies industrielles locales qui déboucheront au XXIe siècle sur DK6, centrale électrique thermique à cycle combiné unique en France.
Le , le conseil des ministres français autorise le programme de douze tranches de neuf cent dix mégawatts de la filière réacteur à eau pressurisée (REP), dont quatre à Gravelines, les travaux commencent en mai 1974.
Les réacteurs 5 et 6 sont autorisés ultérieurement, ces deux réacteurs intègrent les composants initialement prévus pour la centrale iranienne de Darkhovin. En effet, en avril 1979, le contrat de construction de cette centrale iranienne (pour un montant de 2 milliards de dollars[9]) avait été annulé par le gouvernement provisoire de l'Iran[10], on conserva en France les pièces d'ingénierie de la centrale et les travaux commencèrent en octobre 1979[11].
Le couplage de la première tranche est effectué en mars 1980 et en août 1985 la sixième tranche est raccordée au réseau. Gravelines devient alors la centrale nucléaire la plus importante d'Europe de l'Ouest.
Le , le cap des 1 000 milliards de kWh fournis au réseau électrique national par les six unités de la centrale nucléaire de Gravelines est franchi. Pour la première fois au monde une centrale nucléaire atteint ce niveau de production cumulée[12].
Dans le cadre du grand carénage entamé en 2016, EDF investit 1 milliard d'euros dans la centrale pour remplacer la totalité des composants principaux de la centrale afin de pouvoir poursuivre son exploitation jusqu'à 60 ans[13]. EDF annonce qu'un tiers de l'opération devrait profiter aux entreprises locales[13].
À proximité, l'usine d'aluminium de Liberty Aluminium Dunkerque, située à Loon-Plage (Nord) depuis les années 1980, est le plus gros producteur d'aluminium de l'Union européenne[14]. Son chiffre d'affaires annuel avoisine les 500 millions d'euros[14] et il consomme 620 000 tonnes de matières premières par an pour produire 258 000 tonnes d'aluminium [14]et faire face aux besoins de ses clients (Constellium, PSA Peugeot Citroën, Novelis…)[14]. Avec une puissance installée de 450 MW, pour les deux tiers de la production hexagonale d'aluminium[14], il pèse à lui seul 0,6 % de la consommation d'électricité française.
La centrale dispose de six réacteurs de 910 MW (puissance électrique unitaire), dont deux sont entrés en service en 1980, deux en 1981 et deux en 1985. En 2006 ces réacteurs ont produit un total de 38,4 TWh d'électricité[15].
Disposant d'une puissance nette totale de 5 460 MW[16], la centrale de Gravelines est la seconde plus puissante d'Europe, après la centrale nucléaire de Zaporijjia, en Ukraine.
En 2005, avec 8,6 % de la puissance électronucléaire nationale, elle assurait, avec 38,14 TWh (térawatts-heures) 8,1 % de la production nationale, grâce à 1 700 salariés et 300 entreprises sous-traitantes (près de 1 300 personnes). En appui, cette même année, l'ancienne centrale thermique EDF de Dunkerque a été remplacée par une nouvelle centrale au gaz dite « DK6 » de 800 MW (mégawatts) par GDF. DK6 fournit de l'électricité à Arcelor, mais aussi (pour 2⁄3 de sa production) au marché européen, en produisant moins de CO2, grâce à une technologie modernisée[17].
En 2011, 5 des 6 réacteurs fonctionnent avec un combustible au plutonium : le combustible MOX.
Les caractéristiques des réacteurs en service sont les suivantes :
Nom du réacteur | Modèle | Capacité [MW] | Exploitant | Constructeur | Début constr. | Raccord. au réseau | Mise en service comm. | ||
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Thermique (MWt) | brute (MWe) | Nette (MWe) | |||||||
Gravelines-1[1] | CP1 | 2785 | 951 | 910 | EDF | Framatome | |||
Gravelines-2[2] | CP1 | 2785 | 951 | 910 | EDF | Framatome | mars 1975 | août 1980 | décembre 1980 |
Gravelines-3[3] | CP1 | 2785 | 951 | 910 | EDF | Framatome | juin 1981 | ||
Gravelines-4[4] | CP1 | 2785 | 951 | 910 | EDF | Framatome | avril 1976 | juin 1981 | oct 1981 |
Gravelines-5[5] | CP1 | 2785 | 951 | 910 | EDF | Framatome | oct 1979 | août 1984 | janvier 1985 |
Gravelines-6[6] | CP1 | 2785 | 951 | 910 | EDF | Framatome | oct 1979 | août 1985 | oct 1985 |
Le site a été choisi selon plusieurs critères :
La centrale nucléaire de Gravelines est construite sur un polder dans une zone sensible aux inondations[18],[19] dont le niveau atteint jusqu'à 5 mètres en dessous du niveau de la mer. La centrale est en effet construite à 6 mètres au-dessus du niveau de la mer (à la cote NGF 5m54) alors que la zone inondable était évaluée, lors de la construction de la centrale, à 5 m au-dessus du niveau de la mer[20],[21], donc sans tenir compte de l'effet prévu du réchauffement climatique (plus d'un mètre entre 2020 et 2100)[22].
La hauteur de la centrale parait assez faible en comparaison par exemple des 22 m de hauteur de la barrière Maeslantkering située aux Pays-Bas, destinée à se protéger d'une onde de tempête, en référence[23] au raz-de-marée en mer du Nord en 1953 qui est monté jusqu'à la cote NGF 05m06 à Gravelines. En 2013, lors de la tempête Xaver, le niveau de l'eau était monté à la cote NGF 05m04 à Gravelines[24],[25].
Les modifications faites en 2014 par EDF à la demande de l'ASN [26] l'ont été au minimum jusqu'à la cote NGF 6m34 et au maximum jusqu'à la cote NGF 6m92 « pour prendre en compte les situations les plus pessimistes, une marge de sécurité est ajoutée aux estimations qui sont faites par Météo-France et par les différents modèles statistiques utilisés »[27],[28]. Cependant, à Fukushima la vague a atteint 15 m au niveau de la centrale, alors que la digue construite en fonction des prévisions erronées prises en compte par les concepteurs, n'avait été conçue que pour protéger d'une hauteur de vague de 5,7 m au maximum[29],[30].
À la suite des demandes de mise en œuvre de mesures post-Fukushima par le gouvernement français, du 4e réexamen de sûreté et des prévisions de montée du niveau des mers due au réchauffement climatique, EDF a commencé en janvier 2020, la construction d'une nouvelle protection périphérique contre le risque inondation autour de la centrale, d'une longueur de 3 km, d'une hauteur de 3 à 4 m [31],[32],[33] soit jusqu’à la cote 7,48 m. La construction de cette nouvelle protection s'est achevée en septembre 2022[34],[35].
Le CNPE de Gravelines s'appuie sur 1 706 salariés EDF et environ 400 salariés d'entreprises extérieures qui travaillent en permanence sur le site.
Lors de la période des arrêts — soit durant 10 mois de l'année —, environ 2 000 intervenants d'entreprises extérieures sous-traitantes viennent renforcer les équipes EDF dont la moyenne d'âge est de 41 ans).
Plus de 10 % des salariés de Gravelines sont des femmes. La majorité d'entre elles travaillent dans des métiers techniques (conduite des installations, ingénierie, chimie de process, automatismes, etc.)[36].
Cette centrale n'a jamais déclaré d'« accident » ou d'« incident grave » liés à d'importants rejets radioactifs ou d'autres substances toxiques.
Des impacts environnementaux chroniques existent cependant[37], liés à :
Un des risques induits par la conjonction de ces deux derniers phénomènes serait l'apparition possible d'organismes pathogènes (vibrions, bactéries, parasites) résistants au chlore (chlororésistance) avec notamment, potentiellement et localement, des biofilms de microbes devenus chlororésistants (en zone de microturbulence, sur des parois de béton ou de palplanches par exemple). De tels organismes chlororésistants pourraient être source de problèmes nosocomiaux en cas de contamination humaine par ces microbes s'ils sont pathogènes.
En janvier 2020, dans le cadre de la mise œuvre de la loi sur la transition énergétique, l'électricien EDF propose au gouvernement français d'étudier la mise à l'arrêt de deux réacteurs de la centrale de Gravelines[46].
En février 2022, Emmanuel Macron indique une modification importante de cette loi sur la transition énergétique, puisque plus aucun réacteur en état de produire ne sera fermé à l'avenir, sauf pour des raisons de sûreté[47].
La centrale nucléaire de Gravelines fête ses 40 ans de mise en service.
La constitution de la région Hauts-de-France pourrait induire une implication plus forte de ce territoire sur son destin énergétique, comme cela est suggéré dans une thèse de doctorat à Paris-Sorbonne[48].
Après l'accident nucléaire de Fukushima de mars 2011, les centrales européennes et françaises doivent faire l'objet de nouvelles études de vulnérabilité face aux séismes et tsunamis (des « stress tests » ont été annoncés par l'Europe (et par François Fillon) pour quatre aléas : inondation, sismique, risque lié à la perte de refroidissement et mesures limitant les conséquences d'un accident), avec l'expertise disponible, dont celle de la WENRA (Association des autorités de sûreté nucléaire des pays d'Europe de l'Ouest)[49].
Lors d'un examen de sûreté décennal, des études de conformité des ouvrages de génie civil, structures et matériels vis-à-vis du risque sismique ont été faites au regard d'un « nouveau référentiel de sûreté ». selon la CLI[50], « des contrôles ont permis d'identifier que certaines de ces analyses avaient été omises ou réalisées de manière incomplète[50] » dans le périmètre des stations de pompage. « Les équipes techniques ont aussitôt mené à bien ces analyses »[50], concluant qu'en fonctionnement normal, la sûreté n'est pas réduite, mais qu'« en cas de séisme aussi important que le plus fort séisme enregistré depuis mille ans dans les régions d'implantation de ces unités, des structures métalliques (escaliers, consoles…) ou des panneaux préfabriqués en béton, situés dans les stations de pompage, en dehors de la partie nucléaire des installations, pourraient endommager potentiellement des équipements nécessaires d'un des circuits de refroidissement de la centrale » (circuit présentant des redondances de matériels dont la défaillance enclencherait des procédures préétablies visant à assurer le refroidissement des réacteurs). Cet « écart de conformité » (niveau 1 de l'échelle INES) vis-à-vis du risque sismique, est dit « générique » car commun à sept centrales nucléaires (Gravelines ainsi Blayais, Cruas, Flamanville, Paluel, Penly et Tricastin)[50]. Il a été déclaré à l'ASN le . Des études et travaux de renforcement sont prévus (pour 5 à 6 mois)[50]. Le CNPE de Gravelines a aussi connu plusieurs fois une fermeture intempestive de clapets anti-souffle de systèmes de ventilation, le [51] et en 2010[50].
D'après EDF, le le départ d'incendie qui « a été détecté vers 16 h 50 sous la toiture d'un bâtiment de l'unité de production n° 3, dans la partie non nucléaire de l'installation » et qui aurait été maîtrisé à 18 h 02 « n'a pas eu d'impact sur la sûreté des installations, ni sur l'environnement »[52].
Le 6 juin 2012, un arc électrique sur un pylône transportant du 225 000 volts a provoqué un feu au niveau de l'isolant servant de point d'attache au câble. Cette ligne à haute tension est destinée à assurer l'alimentation de secours de la centrale nucléaire[53].
En 2010, sept rapports d'incidents notables à la centrale de Gravelines ont été publiés par l'Autorité de Sûreté Nucléaire, dont deux concernaient des incidents survenus en 2009.
L'installation nucléaire de Gravelines est la première usine électronucléaire au monde à avoir franchi, le 27 août, la barre symbolique des mille milliards de kWh produits (cela représente deux années de la consommation d'électricité de la France, 60 de celle de la région Nord - Pas-de-Calais, 714 années de la consommation d'une ville de 350 000 habitants et 1 000 de celle d'une ville comme Lille)[54].
Le , un incident se produit à la centrale lors d'une opération de maintenance : une barre d'uranium menace de tomber. L'incident est qualifié de « significatif » et d'« exceptionnel » et classé 1 sur l'échelle INES[55],[56].
Hors les anomalies génériques pouvant affecter des réacteurs de centrales distinctes, la centrale de Gravelines a fait l'objet en 2007 (à fin février) de quatre avis d'incidents de niveau 1 sur l'échelle INES[57],[58],[59],[60].
En 2006, une pullulation de Cténaires faillit provoquer l'arrêt d'un réacteur par colmatage des prises d'eau du système de refroidissement.
Le 30 mars 2006, lors des opérations d'arrêt pour maintenance et rechargement en combustible du réacteur no 3, il a été détecté que ce réacteur avait été privé durant un an de la commande automatique d'un circuit assurant son refroidissement en cas d'accident : un fil électrique du système de protection du réacteur n'avait pas été rebranché en 2005, lors du précédent arrêt. D'autres systèmes de protections étaient néanmoins opérationnels. Cette défaillance a été classée au niveau 1 sur l'échelle INES, qui en compte sept[61],[62].
Le 5 février 2002, trois « clandestins » sri-lankais, cherchant apparemment à rejoindre la Grande-Bretagne, se retrouvent par erreur à l'intérieur de la centrale. Ils s'étaient introduits dans un camion contenant du matériel radioactif et n'avaient pas été détectés lors du premier contrôle à l'entrée de la centrale[63].
En 1999, tour à tour, des Kosovars puis des Sri-Lankais se retrouvent par la même voie dans la centrale.
Un type de vis inadéquat est détecté sur le système de commande des soupapes de protection contre les surpressions du circuit primaire du réacteur no 1. En cas de surpression, ces soupapes n'auraient pas fonctionné correctement. L'évènement est classé au niveau 3 de l'échelle INES malgré les justifications présentées par l'exploitant EDF pour un déclassement au niveau 2[64].
Le site de Gravelines est envisagé pour accueillir deux EPR 2[65]. En novembre 2021 le président Macron confirme la construction de nouveaux réacteurs en France, et Gravelines fait toujours partie des sites pressentis[66].
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